Santé mentale: une enquête recommandée
SANTÉ. Le chef du département de psychiatrie du CHUS, Dr Jean-François Trudel, a été appelé à réagir au bilan du premier rapport de la Direction de santé publique sur la santé mentale en Estrie. Les conclusions alarmantes, particulièrement en ce qui a trait à la hausse des cas de schizophrénie dans notre région, amènent le Dr Trudel à recommander une enquête pour élucider les causes de ce phénomène.
Les chiffres sont inquiétants à tous les niveaux pour l’Estrie, mais ce qui a particulièrement interpellé le chef du département en psychiatrie du CHUS, c’est l’augmentation marquée du nombre de personnes souffrant de schizophrénie dans notre région.
«En l’espace de dix ans à peine, on a vu le nombre doublé dans la région de l’Estrie, alors que c’est une maladie qui est très stable normalement dans une population. C’est donc une grande surprise! Une enquête spécifique me semble nécessaire pour élucider les causes de ce phénomène. J’aimerais beaucoup que nos collègues de Santé publique, avec la collaboration du département de psychiatrie, se penchent sur cet enjeu», indique le Dr Trudel, qui souligne du même coup qu’une telle augmentation a un impact important sur les services.
«Les personnes atteintes de schizophrénie sont jeunes et souvent très malades et handicapées à long terme. Elles consomment énormément de ressources et de services.»
Une démarche trop ambitieuse?
Le rapport sur la santé mentale en Estrie ne fait pas d’analyses de causes et se penche très peu sur les raisons qui placent l’Estrie en désavantage par rapport au reste du Québec. Mais le Dr Trudel avance quelques hypothèses, dont l’importation de cas dans notre région, la consommation de drogues à la hausse, la pauvreté et le sous-financement. Ces deux dernières hypothèses ressortent particulièrement.
«Nous sommes dans une région qui, financièrement, ne va pas super bien. Je pense que c’est un des facteurs qui contribuent à générer des difficultés au niveau de la santé mentale. La personne pauvre et isolée à plus de chance de souffrir d’un trouble mental et la personne qui souffre d’un trouble mental a plus de chance d’être pauvre et isolée. Mais ce n’est pas facile d’agir à ce niveau. Nous vivons dans une société où l’écart entre les riches et les pauvres ne fait que grandir. Ceci est une conséquence de choix politiques et fiscaux auxquels nous avons tous participé. Le réseau de la santé à lui seul ne parviendra pas à régler ce problème», mentionne le Dr Trudel.
Autre facteur important, le sous-financement en santé mentale. «Au Canada, 5 % du budget de la santé est alloué à la santé mentale, alors que d’autres pays attribuent 7 à 8 % de leur budget. En Estrie, nous avons à notre disposition 11 millions de dollars de moins environ que la moyenne provinciale pour notre population. Ce sous-financement complique certainement à certains égards l’implantation des mesures proposées dans ce rapport.»
Et est-ce que les mesures proposées, telles que l’amélioration des ressources et la réduction de la pauvreté, sont réalistes? «Disons qu’elles sont courageuses et ambitieuses à la fois. Je pense qu’il est possible d’améliorer les choses en travaillant davantage en concertation. Le fait que la région soit maintenant dotée d’un seul grand établissement va, je l’espère, favoriser cette concertation. Par contre, la pauvreté, ce n’est pas l’hôpital qui va régler ça! La production et la redistribution de la richesse, c’est un enjeu économique, social et politique.»